Canti… cum Berio et Nono : Un hommage vibrant aux maîtres du XXe siècle

Vu et entendu par Pierre-Stéphane Meugé, direction artistique de ce concert

Concert du dimanche 30 mars à l’église Saint-François

Il semblait évident pour l’HEMU de rendre hommage aux deux centenaires italiens emblématiques de l’héritage moderne du siècle dernier, par un concert original d’envergure. Ce programme, constitué autour de pièces représentatives de ces deux compositeurs, pourtant peu jouées en raison de leurs effectifs spécifiques, permettait ici de rassembler vocalistes et instrumentistes.

Le concert débutait par la fanfare éclatante de « Call » de Berio, brillamment entonnée par un quintette de cuivres des classes de Fribourg. Le travail de musique de chambre a été initié par Daniel Schädeli avec quatre groupes distincts et poursuivi lors d’une Masterclass passionnante de Gérard Buquet, quand fut choisie la formation la mieux préparée, à deux semaines du concert.

S’ensuivait une autre œuvre de Berio, également en formation « de chambre » (non dirigée), le splendide « Agnus » pour deux voix de soprano et trois clarinettes. Une formation aussi singulière exige un travail d’autonomie de groupe qui fut très formateur, tant pour les chanteuses que pour les clarinettistes, toutes et tous remarquablement impliqués dans une interprétation très sensible et accompagnés par un lointain cluster d’orgue, tenu tout au long de la pièce au jeu du cor de nuit.

La troisième pièce en « petite formation » donnée dans le chœur de l’église était un quatuor vocal a cappella (voix seules sans instruments) de Luigi Nono. Une œuvre intime et poignante, redoutable d’exigence vocale, écrite en 1982 en hommage aux disparus en Argentine, sur la phrase du titre « ¿Donde estas hermano? » dont les quatre vocalistes ont livré une interprétation très émouvante.

Le public fut alors invité à changer de côté dans l’église pour faire face au large plateau scénique installé par notre précieuse équipe technique sous le buffet du grand orgue, où s’installait alors l’Ensemble instrumental contemporain de l’HEMU pour l’exécution de « Canti per 13 » que Luigi Nono écrivit au début des années 1950. Une œuvre radicale par son écriture sérielle récurrente qui régit autant les hauteurs que les durées et les dynamiques. Il en résulte une polyphonie complexe et foisonnante alors même que chaque instrument ne joue souvent qu’une note isolée. Changeant continuellement de tempo et d’atmosphère, alternant entre suspension et crépitement étincelant, cette partition pour treize solistes demeure particulièrement délicate et ce fut pour la plupart des jeunes instrumentistes, leur première confrontation avec ce type d’écriture et de langage musical, une référence désormais historique qu’il importe de connaître, de pratiquer, et donc d’enseigner.

L’œuvre maîtresse qui clôturait ce programme, sorte de vaste cantate d’une demi-heure, sous-titrée « Ballata » sur un texte poétique d’Edoardo Sanguinetti - dont la traduction fut lue au public en guise de prélude - convoquait huit solistes vocaux et un double quatuor de saxophones et de clarinettes, celles-ci surplombant les autres interprètes depuis le balcon de la tribune de l’orgue. L’écriture vocale de « Canticum novissimi testamenti » varie tout au long de la pièce entre chorale et soliste, voix parlée et chantée, et se trouve ponctuée de claquements rythmiques de mains, de doigts et de langue. Ce travail très complet fut mené à bien par huit vocalistes très investis durant nos répétitions, après un travail préliminaire fort utile sous l’égide de Jean-Philippe Clerc. Les huit voix furent efficacement soutenues par les huit instrumentistes dont le rôle, bien plus étoffé qu’un accompagnement et pourvu de parties solistes, fut tenu avec un remarquable professionnalisme.

La générosité lyrique de la musique de Berio a ainsi pu résonner dans toute son ampleur sous les voûtes de l’église Saint-François et cette œuvre unique, tant par son effectif que par son propos littéraire, a vraisemblablement conquis et ému un public relativement nombreux en ce dimanche printanier.

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Vu et entendu par Pierre-Stéphane Meugé, direction artistique de ce concert

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