HOSOKAWA-DAYER : NICE TO MEET YOU

[ Vu et entendu par Grégoire Delforge ]

Le 20 novembre 2021, étudiantes et étudiants de l’HEMU ont pu rencontrer deux compositeurs, le japonais Toshio Hosokawa et le suisse Xavier Dayer, dans le cadre d’une conférence-atelier consacrée au sacré.

Au programme de cette journée figurait la découverte des œuvres Voyage IV et Hodie in mecum eris in paradiso des compositeurs présents, leur interprétation par l’Ensemble Contemporain de l’HEMU, ainsi que plusieurs moments d’échanges privilégiés.

La journée a commencé par une conférence du musicologue Philippe Albèra nous expliquant la problématique du sacré dans notre société matérialiste et son évolution dans la musique. Le sacré dépasse notre entendement, notre logique, notre raison, nos sens, cela sort de l’ordinaire. La musique est un moyen idéal pour accéder au sacré, car les sons ne disent rien sur le monde qui nous entoure et nous isolent du temps ordinaire. En effet, lorsque nous écoutons de la musique le temps passe différemment. À l’origine, la musique servait à accompagner les rituels du sacré et c’est dans les monastères que la musique savante a été inventée par les moines. Le concept du sacré s’est transposé dans celui de l’œuvre grâce à Beethoven. La musique religieuse est toujours existante, mais elle devient secondaire lorsque la musique devient une fin en soi avec un discours musical qui lui est propre. Aujourd’hui se sont les œuvres d’arts qui nous invitent à la transcendance, dans les lieux consacrés que sont par exemple les salles de concerts. On peut accéder à cette transcendance par le rituel du concert.

Après la première conférence, c’est au tour de Xavier Dayer, compositeur en résidence à l’HEMU durant l'année académique 2021-2022, de nous expliquer son rapport au sacré dans la création de ses œuvres. La musique serait la partie audible de quelque chose dont nous n’avons pas accès à la manière du « mythe de la caverne » de Platon. Et insiste sur la notion d’écoute avec le verset du Deutéronome Ecoute, Israël !.

L’après-midi débute par une intervention du compositeur Toshio Hosokawa. Sa recherche n’est pas celle d’une musique raisonnée, mais celle où l’on recherche son flux fondamental, cela fait partie des philosophies de l’Extrême-Orient. Dans l’une de ses œuvres pour flûte basse, il raconte que son inspiration provient de la musique pour shakuhachi, une flûte japonaise où les imperfections et sifflements font partie de la musique. Lors d’une question posée par un étudiant Toshio Hosokawa confie à l’assemblée qu’il est issu d’une famille très ancrée dans la culture japonaise et que durant sa jeunesse il n’aimait pas cette culture musicale C’est seulement lorsqu’il a commencé à étudier la musique classique et contemporaine européenne que la musique japonaise l’a passionné. Il a besoin des deux cultures et celles-ci s’enrichissent mutuellement.

Ensuite c’est au tour du compositeur et professeur à l’HEMU, Luca Antignani, d’intervenir pour expliquer que toute musique est implicitement sacrée, et que certaines le sont explicitement. Toute musique est sacrée dans la mesure où elle incarne une transcendance. Passionné d’ethnomusicologie Luca Antignani montre comment les différents paramètres musicaux comme la couleur, le timbre, la hauteur et le rythme incarnent le sacré dans différentes cultures. Puis, le compositeur Nicolas Von Ritter a introduit l’auditoire à l’esthétique de Hosokawa et de Dayer avec différents exemples musicaux des deux compositeurs et d’autres œuvres écoutées.

L’Ensemble Contemporain de l’HEMU a clos cette enrichissante journée avec une très belle interprétation des œuvres de Hosokawa et de Dayer. L’œuvre de Toshio Hosokawa Voyage IV pour accordéon et ensemble est une pièce où la matière sonore faite de clusters est en constante évolution. Celle de Xavier Dayer Hodie mecum eris in paradiso pour ensemble, inspiré des Sept dernières paroles du Christ en croix de Haydn est comme une succession de phrases avec des caractères bien différents.

Cette superbe journée de conférence-atelier invite à une introspection et donne une conception différente de la musique et de la profession de musicienne et musicien.

Compte rendu de Grégoire Delforge, guitariste étudiant en Master auprès de George Vassilev.

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